Souvenirs

 

Ce matin, en faisant mes courses, j’ai vu dans un jardin des glaïeuls en fleurs. Cette fleur élégante, à la longue tige, fait de moins en moins partie de nos plantes d’ornement, peut-être justement à cause de la fragilité que lui donne son port élancé.

Cela m’a fait faire un bond dans le passé, au temps de mon enfance. Ma grand-mère les adorait et m’a communiqué cet amour. Elle n’était pas riche mais chaque printemps, elle m’offrait quelques bulbes que je plantais avec beaucoup de soin dans le petit coin de jardin qui m’était réservé. Je ne peux plus voir ces fleurs sans revoir sa silhouette menue, déformée par l’arthrite, cette femme aimante qui m’a en partie élevée. Il me semble que c’était hier.

                                                                                                         Glaïeul sauvage

Il est curieux de voir combien un petit rien, une odeur, une couleur, un son, peuvent nous ramener des années en arrière et évoquer des souvenirs avec une telle acuité qu’on a l’impression d’avoir en un instant, remonté le temps. C’est une merveilleuse faculté que la mémoire, les mémoires devrai-je plutôt dire !

J’ai toujours pensé que je n’avais pas de mémoire ou plutôt, celles que j’ai ne me servent pas à grand-chose. Vous vous rendez compte que trente ou cinquante ans après, je reconnais une écriture ! Une autre m’est plus utile, celle de la musique. Il me suffit d’entendre un air deux ou trois fois et je l’ai en tête avec les accords ce qui me permet de régaler mes vieux amis de la maison de retraite voisine, qui eux aussi se souviennent des chansons qui ont bercé leur tendres années et en retrouvent les paroles pour leur plus grand plaisir…et le mien aussi ! Pour eux, je suis une gamine !

Ces glaïeuls, en me replongeant dans ma jeunesse a ranimé tout un pan de ma vie avec plein de détails que je croyais avoir oubliés.

C’est là que j’ai compris que tout, absolument tout ce que nous avons vécu est engrangé dans notre inconscient. En général, en tous cas pour moi, c’est un vrai fouillis ! Pas étonnant que je ne puise y trouver ce que je recherche au moment où il le faudrait. Lorsque j’y cherche quelque chose, je butte dans du bon et parfois, sans le vouloir, dans du mauvais ce qui me fait mal sans aucune nécessité. J’ai réalisé combien il était important d’y faire le ménage de temps en temps, de faire courageusement un inventaire et de ranger dans des boîtes fermées et classées ce qui ne semble pas utile actuellement.

C’est tellement plus confortable de pénétrer dans ce grenier aux souvenirs et de le trouver en ordre, de ne pas s’y perdre ou bien dépenser d’énergie inutile et surtout d’y trouver la lumière qui n’a plus de peine à y pénétrer.

Toute une vie et plus encore, cela en fait des souvenirs !